Le mouton de Panurge

Elle n’a pas encor de plumes
La flèche qui doit percer son flanc,
Et dans son cœur rien ne s’allume
Quand elle cède à ses galants.
Elle se rit bien des gondoles,
Des fleurs bleu’s, des galants discours,
Des Venus de la vieille école,
Cell’s qui font l’amour par amour.

N’allez pas croire d’avantage
Que le démon brûle son corps.
Il s’arrête au premier étage,
Son septième ciel, et encor !
Elle n’est jamais langoureuse,
Passé’ par le pont des soupirs,
Et voit comm’ des bêtes curieuses
Cell’s qui font l’amour par plaisir.

Croyez pas qu’elle soit à vendre.
Quand on l’a mise sur le dos,
On n’est pas tenu de se fendre
D’un somptueux petit cadeau.
Avant d’aller en bacchanale
Ell’ présente pas un devis,
Ell’ n’a rien de ces bell’s vénales,
Cell’s qui font l’amour par profit.

Mais alors, pourquoi cède-t-elle
Sans cœur, sans lucre, sans plaisir ?
Si l’amour vaut pas la chandelle,
Pourquoi le jou’-t-elle à loisir ?
Si quiconque peut, sans ambages,
L’aider à dégrapher sa rob’
C’est parc’ qu’ell’ veut être à la page,
Que c’est la mode, est qu’elle est snob.

Mais changent coutûmes et filles;
Un jour, peut-être, en son sein nu
Va se planter pour toute la vie
Une petite petite flêche perdue.
On ne verra plus qu'elle en gondole;
Elle ira jouer à son tour
Les Venus de la vieille école,
Cell’s qui font l’amour par amour.